samedi 19 avril 2014

LE SILENCE DES AGNEAUX


Le 29 mars 2012, sur les ondes de Télé-Québec, Marie-France Bazzo a animé une table ronde sur la place de la religion dans nos assiettes. On y retrouvait les journalistes Antoine Robitaille et Josée Boileau, le chroniqueur Joseph Facal, les profs de philo Daniel Weinstock et Louise Mailloux, ainsi que l’acteur et chanteur Stéphane Archambault.

Sur le site de Bazzo.TV, on avait mis la table en rappelant que la religion effectuait un retour en passant par les cantines scolaires, les tablettes des épiceries, les casse-croûte et le comptoir des boucheries. Après le voile, le kirpan et les cours de musique à la maternelle, pouvait-on lire, certains hôpitaux et CPE préfèrent ne servir que de la viande halal ou cachère plutôt que de cuisiner deux repas distincts. Dans sa narration d’introduction, Mme Bazzo disait même que les «aliments religieusement modifiés sont une belle occasion d’affaires».

Les Daniel Weinstock et Louise Mailloux avaient alors débattu de la question. Invité à commenter la controverse sur le poulet halal, Weinstock y était allé d’une analogie aussi loufoque que réductrice. « Si j’apprenais, demain, que dans mon Provigo local, un prêtre s’amusait à faire des signes de la croix autour des aliments que je mangeais, ça me ferait plus rire qu’autre chose. » Quand on sait ce qu’implique la certification religieuse des aliments et autres produits, la parabole de Weinstock est une véritable insulte à l’intelligence.

Louise Mailloux - qui venait de publier son livre La Laïcité, ça s’impose - avait expliqué que ces certifications sont loin d’être banales, ne serait-ce que sur le plan économique. Elle soutenait que pour accorder leurs certifications, les imams et les rabbins faisaient payer plusieurs milliers de dollars aux entreprises. Des frais qui, en fin de compte, étaient refilés aux consommateurs.

À la suite de cette émission, est-ce que Bazzo, Télé-Québec, Mailloux ou les panélistes ont été vilipendés, blâmés ou poursuivis pour avoir tenu (ou ne pas avoir dénoncé) des propos racistes, diffamatoires, antireligieux ? Pensez donc. Daniel Weinstock a même opiné du bonnet (visionner le court extrait vidéo) lorsque Louise Mailloux a raconté aux téléspectateurs qu’il y avait beaucoup de sous en jeu derrière la cachérisation et la «halalisation».

Alors dites-moi ce qui s’est passé de nouveau depuis lors pour que Lise Ravary pète une coche le 7 mars dernier, entraînant une réaction en chaîne du vice-président du Centre consultatif des relations juives et israéliennes-Québec (cerji) et du directeur national de la ligue anti-diffamation?

En parlant quasi exclusivement de la nourriture halal, Mme Mailloux aurait-elle fait de l’ombre à la certification cachère? Peut-être que Mme Ravary n’aime pas la prose de la prof de philo? À moins que cela ait été perçu comme trop radical pour l’ex-rédactrice en chef de magazines féminins qui s’était convertie à l’intégrisme hassidique.

Mailloux ne fait peut-être pas dans la dentelle, mais ce n’est certainement pas faire preuve de nuance que de soutenir qu’elle fait écho à une théorie du complot propagée par le Ku Klux Klan et diffusée par plusieurs autres groupes racistes et néonazis.


On respire par le nez, s’il vous plaît. Le 9 avril 2013, Yves Boisvert nous rappelait sur les ondes de Radio-Canada qu'aux États-Unis, c’est le KKK qui a fait jurisprudence pour le port de masques durant les manifestations. A-t-on, pour autant, accusé Projet Montréal d’être le suppôt du KKK parce qu'il était favorable au port du masque dans les manifestations? Bien sûr que non.  

Vous souvenez-vous des hauts cris lancés par une organisation juive lorsque le salut nazi avait été brandi par certains étudiants lors d’une des manifestations de 2012? Selon les dires de cette organisation, le geste, destiné à dénoncer la brutalité des interventions du Service de police de la Ville de Montréal, avait «souillé la mémoire de l'holocauste». 

En revanche, je ne me rappelle pas avoir entendu Lise Ravary (ni personne d’autre, d’ailleurs) s’insurger contre l’amalgame haineux fait contre le PQ durant la récente campagne électorale. Associer Pauline Marois à Adolph Hitler serait-il considéré de bon aloi? Ça ne souille pas la mémoire de l’holocauste, peut-être? À mon sens, c’est une insulte pour les victimes des camps d’extermination et pour l’ensemble des démocrates québécois!

Certains, comme ce lecteur du site ultraorthodoxe Bill 613, voient des néonazis partout et des svastikas jusque dans le logo de JPMorganChase!

Est-ce de la propagande antijuive ou antimusulmane que de soutenir que les certifications cachère et halal bénéficient financièrement à des groupes de ces confessions?

Dans un document intitulé Mythes et réalités sur la certification cachère, le Centre consultatif des relations juives et israéliennes-Québec (Cerji) dément catégoriquement le «mythe» voulant que les revenus du marché de l’alimentation cachère financent les activités religieuses de la communauté juive. Il prétend plutôt que les frais exigés par les organismes de certification ne servent qu’à assurer leurs inspections et leurs opérations. 

Pourtant, en 2006, un an avant de rallier les rangs du journal La Presse, la journaliste Catherine Handfield signait un reportage sur la certification cachère dans Montréal Campus. Elle y écrivait ceci : «Après avoir dûment payé les inspecteurs, les cinq grands bureaux de certification cachère en Amérique du Nord donnent une partie de leurs profits à des organismes de charité juifs.» Une partie des profits, hein? Il serait  intéressant de savoir où va le reste des surplus qu’engendre la certification cachère. L’histoire ne le dit pas, mais la question ne manque pas d’intérêt. 


Le Centre consultatif des relations juives et israéliennes-Québec réfute aussi la prétention à l’effet que la certification cachère soit une sorte de
«taxe religieuse». Il soutient même que la certification n’a aucune incidence sur le prix de vente des produits.

On ne demanderait pas mieux que de le croire. On pourrait même baptiser autrement ce coût de la certification si ça lui chante. Je ne sais pas, moi. Ça pourrait être un
«coût de production», une «redevance marketing», ou que sais-je encore. Mais, ça ne changerait rien au fait que d’autres reportages réalisés au fil des ans vont tout à fait dans le sens contraire des dires du Cerji. Même M. Kevin Hart, le propriétaire de la boulangerie Homemade Kosher de l'avenue Bernard a affirmé publiquement que la routine de la certification faisait augmenter ses coûts de 5 à 7 %. Quelqu’un a-t-il songé à l’accuser d’antisémitisme?

Le 11 mai 2007, JE, l’émission de journalisme d'enquête  présentait un reportage sur la nourriture cachère. À Victoriaville, le président de Miel Labonté a soutenu devant caméra qu’en plus des frais annuels de certification, son entreprise devait débourser plus de 25 000 $ par an pour se conformer à cette norme religieuse. Il ajoute même que sans cette certification, vous pouvez oublier de voir vos produits trôner sur les étagères des épiceries grandes surfaces. 


On va nous dire que c'est de la diffamation? Vraiment? Pourtant, dans le magazine Canadian Grocer, le rabbin Saul Emanuel, directeur général de Vaad Ha’ir de Montréal a confirmé le phénomène. «Sans la certification cachère, dit-il, il est presque impossible de voir ses produits acceptés dans les épiceries américaines».

En août 2002, le magazine Protégez-vous avait, lui aussi, publié un reportage sur la nourriture cachère. Sous la plume de Fabien Deglise (aujourd’hui journaliste au Devoir), nous y apprenions qu’il était nécessaire de verser une «taxe rabbinique» pour «remercier» le rabbin de ses services et pour utiliser l’un des nombreux symboles de certification cachère. Le coût, à l’époque? De 2500 à 3000 $ par année pour une simple fromagerie artisanale. Pour sa part, un représentant des yogourts Liberté révélait que la cachérisation augmente de 0,01 ¢ le prix de vente d’un produit. Le Cerji va-t-il prétendre que le magazine Protégez-vous est un repère de chemises brunes?

Pas besoin d’être comptable agréé pour comprendre qu’un centième de cent appliqué sur plus de 110 000 produits différents vendus par centaines de milliers d’unités à des millions de consommateurs, ça fait un sacré jackpot. À côté de ça, un gagnant de la 6/49 fait figure de Ti-Coune.


Le rabbin Yosef Wikler
Dans le très sérieux hebdomadaire américain Bloomberg Businessweek du 19 décembre 2010, le rabbin Yosef Wikler,le rédacteur en chef de Kashrus Magazine, estimait qu’uniquement aux États-Unis, la certification cachère représenterait une industrie de 200 millions de dollars par année. Même si cette estimation apparaît extrêmement conservatrice, on ne peut quand même plus parler de peanuts!

Quand des rabbins eux-mêmes admettent que les certifications religieuses sont payantes, comment peut-on accuser des citoyens qui s’informent à plusieurs sources dignes de foi d’être des adeptes du KKK? S’ils ne sont pas satisfaits de l'information qui circule, Lise Ravary et les organisations concernées devraient peut-être commencer par «briefer» les chefs spirituels qui jouent avec la nourriture terrestre qu'on nous force à avaler. Dictez-leur ce que vous aimeriez qu'ils propagent ou bâillonnez-les. En attendant, on se passera très bien des insultes.

Il y a quand même des limites à taxer (s’cusez!) de racistes, de xénophobes, d’antisémites et de néonazis tous ceux qui ne prennent pas pour du cash la doctrine des bien-pensants.


C’est d’autant plus insupportable d’être accusés d’étroitesse d’esprit et de repli sur soi quand une Ravary nous révèle, à la page 33 de son dernier bouquin Pourquoi moi? Ma vie chez les Juifs hassidiques, que «Les règles complexes [de la cacheroute] empêchent aussi la fraternisation entre juifs et non-juifs qui pourraient mener à des mariages mixtes». Ouash! Des mariages interreligieux? Avec d’autres races? Quelle horreur, n’est-ce pas? Je me demande qui cultive des relents de racisme et d'intolérance, ici.

Je ne sais pas pourquoi, mais ça me refait penser à cet entretien que Rima Elkouri avait eu avec le propriétaire de la célèbre boulangerie Cheskie, de l’avenue Bernard. Cheskie Weiss avait raconté que pour que le pain soit cacher, il devait nécessairement avoir été cuit par un juif. Ah! bon. Parce que si la pâte était pétrie ou mise au four par des mains haïtiennes, philippines ou gaspésiennes, ça serait impur? Impropres à la consommation? Toxique? Péché mortel?


http://accommodementsoutremont.blogspot.ca/2014/03/sos-solidarite.html
Et il faudrait que l'on se taise? Ma parole! Ce n'est plus la loi du bâillon que l'on cherche à nous imposer, mais bien le silence des agneaux! Les agneaux de Saint-Jean Baptiste que l'on égorge à froid selon le rite halal ou cacher, s'il vous plaît. Joyeuses Pâques!



vendredi 11 avril 2014

LE TRIBUNOTHON DE BOISBRIAND


Après neuf ans de poursuites devant les tribunaux, la municipalité de Boisbriand a enfin eu gain de cause.

Alors que la communauté hassidique de Boisbriand refusait de payer sa taxe d'eau depuis 2005, le 31 janvier dernier, la Cour d'appel du Québec a finalement tranché (visionner le reportage de TVA). Que ça lui plaise ou non, la secte rebelle doit payer sa dette de 2,6 millions de dollars à la municipalité. Comme tout le monde!   

Pour faire entendre raison à la communauté récalcitrante, la municipalité des Basses-Laurentides aura tout de même dû intenter (et gagner!) cinq poursuites et dépenser plus de 250 000 $. De l'argent des contribuables, s'il vous plaît!

Il y a 11 jours, la Ville de Boisbriand encaissait un premier chèque de 1,7 million de dollars. Pour la balance de 850 000 $, il semble que les deux parties seraient en voie de s’entendre. La mairesse Marlene Cordato avait une bonne raison d'afficher un grand sourire. Elle pourrait enfin mettre derrière elle ces conflits qui empoisonnaient les relations avec les Boisbriannais ultrareligieux.

Hélas, l'embellie sera peut-être de courte durée. Mercredi dernier (9 avril 2014), l'hebdo régional L'Écho de la Rive-Nord titrait Boisbriand : une école clandestine éveille les soupçons. On y apprenait qu'une résidence privée située à quelques pas du quartier juif hassidique serait utilisée comme lieu d’enseignement pour une quarantaine de jeunes filles ultraorthodoxes.

De coquette résidence familiale, cette maison de Boisbriand située au 3597, Chemin de la Rivière- Cachée a pris des allures d'école bunker. Certains disent même que la hauteur du grillage ne serait pas conforme à la réglementation municipale.

Jeunes filles sortant de l'école présumément clandestine sur le Chemin de la Rivière- Cachée.


Remarquez que ce n'est pas une première à Boisbriand. En 2009, deux écoles hassidiques «parallèles» y avaient été découvertes par des inspecteurs du ministère de l'Éducation.

Le problème qui se profile aujourd'hui à l'horizon tient au fait que le propriétaire de cette maison suspecte menace de recourir aux tribunaux. Pourquoi donc? Il voudrait contester les constats d'infractions qu'ont émis les inspecteurs de la Ville contre lui parce qu'il leur a refusé l'accès à la résidence. Quelque chose me dit que la mairesse de Boisbriand n'est pas au bout de ses peines.

Serait-ce le plus récent d'une longue série d'épisodes de harcèlement antisémite? Rappelez-vous en 2000. Construit Toujours Avec Bonté (CTAB), une organisation religieuse installée dans la communauté hassidique de Boisbriand avait été condamnée à verser une amende de 400 000 $. Tout ça, pour une peccadille.

L'organisation religieuse s'était retrouvée au centre de la plus importante fraude fiscale impliquant une organisation religieuse au Québec. Imaginez. On a enquiquiné ces pieux hommes pour à peine 60 millions de dollars de faux reçus de dons de charité. Espérons au moins que l’Agence des douanes et du revenu du Canada a eu à s'expliquer au B'nai B'rith.