lundi 3 août 2015

LE GOULAG DES PHILISTINS


Le 20 juillet dernier, Faigy Mayer se jetait du haut d’un gratte-ciel de Manhattan. Avant d’exécuter son geste funeste, la jeune hassidim de 30 ans avait laissé une note. Six ans après avoir quitté la secte hassidique, elle y relatait les innombrables obstacles contre lesquels elle a buté en tentant de s’extirper de ce goulag religieux qui a empoisonné sa vie.

Faigy Mayer, une femme blessée... à mort

La femme en détresse ne s’est pas limitée à déplorer son sort. Dans sa lettre, Faigy a aussi dénoncé le karma qui accable les garçons dont l’éducation sectaire condamne à une vie étriquée. « À 18 ans, je me suis demandé ce qu’il serait advenu de moi si j’avais été un garçon. » 


Elle estimait que le sort des garçons de sa communauté était encore plus désolant que celui des filles. «Ils ne reçoivent même pas les notions les plus élémentaires de mathématiques, comme les divisions et les fractions… Je me suis demandé ce que je ferais si je devais, un jour, avoir un fils qui serait soumis à la torture d'apprendre le yiddish toute la journée.»*
 

Jeunes étudiants religieux de la secte hassidique de Sainte-Agathe

À New York, comme partout ailleurs où vivent les Craignant Dieu, les méninges de milliers d’enfants des sectes hassidiques continuent d’être passés à la moulinette. Avec le résultat qu’un bon nombre d’entre eux souffriraient de détresse psychologique ou se révéleront incapables de fonctionner en société si, d’aventure, ils parviennent à dénouer la ceinture religieuse qui les entrave.

«Il n’est pas rare qu’ils ne soient même pas en mesure de remplir les formulaires de demande d'aide sociale», affirme Naftuli Moster, cet ancien étudiant d’une école talmudique de New York qui a fondé le Young Adults For a Fair Education (YAFFED), une organisation destinée à promouvoir une éducation séculière au sein des écoles ultraorthodoxes. (lire ma chronique Le démon du WiFi Les démarches de M. Moster et de son organisation semblent commencer à porter leurs fruits. 

Norman Siegel, l'avocat  new yorkais qui défend l'organisation Young Adults For a Fair Education.   Photo:  Jefferson Siegel

Il y a quelques jours à peine, à la suite de nombreuses lettres de parents, d’anciens élèves et d’ex-enseignants, le New York City Department of Education s’apprêterait à enquêter sur 39 écoles privées hassidiques qui ne dispenseraient pas une éducation adéquate dans les disciplines tels l'anglais, les mathématiques et les sciences.

D'autres adolescents soumis au supplice du moulin à prière

On s’en doute, l’article du New York Times et les détracteurs de ces yechivot n’ont pas manqué de faire réagir les dirigeants de ces cloîtres. Pour démentir les prétentions de leurs calomniateurs, certains d’entre eux ont affirmé, sans rire, que leur programme comprend des éléments de sciences et de mathématiques. À preuve, disent-ils, on se sert des étoiles pour déterminer le moment où il faut réciter la prière du matin et des mathématiques pour compter les jours fériés.

Comme le soutiennent d’anciens élèves de ces centre d'étude de la Torah, le but de ces «écoles» n’était pas de leur prodiguer une éducation digne de ce nom, mais bien de les isoler du reste de la société.
 

En Angleterre, il semble qu'un déclic soit en train de se faire. Deux «écoles» orthodoxes du nord de Londres ont été classées comme «insatisfaisantes» par l’Office for Standards in Education. Les leaders hassidiques ont bien évidemment qualifié le département non ministériel de «tyrannique». D’autres écoles ultrareligieuses sentent la soupe chaude, dont la Talmud Torah Chaim Meirim Wiznitz de Stamford Hill qui se bat contre un ordre de fermeture

En Israël aussi, un vent de contestation commence à souffler. Même le rabbin Bezalel Cohen, un ancien diplômé des plus prestigieux établissements éducatifs ultraorthodoxes de Jérusalem a pris conscience de la crise qui sévit dans le domaine de l’éducation au sein de sa société.
 

Le rabbin Cohen a compris en 2010 que les difficultés qu’éprouvait son fils étaient communes à celles de centaines, voire de milliers de jeunes hassidim. Contrairement aux écoles pour filles, les institutions que fréquentent les garçons sont plus réfractaires aux programmes scolaires séculiers. Interviewé par The Times of Israel, Bezalel Cohen déplore que l’objectif fixé pour les garçons soit toujours de produire des «savants de la Torah».

Des savants qui vivent dans un univers conçu pour annihiler tout esprit critique et toute remise en question de la doctrine religieuse. Selon Yosso David, un rescapé d'une de ces yechivot, le but ultime de cette éducation est de ne pas évoluer. À tel point que les miraculé comme lui ne découvrent les dinosaures, les équations et l'anglais qu'après l'âge de 20 ans.

 
Le mal ne date pas d’hier, mais les politiciens d’ici et d’ailleurs s’étaient généralement abstenus d’intervenir auprès des écoles religieuses pour la simple et bonne raison qu’ils ont toujours pu profiter d’un soutien massif de la part de ces communautés.
Le fameux «Fermez les yeux et nous voterons en bloc pour vous!» fait encore recette sur tous les continents.
 
Après des décennies de laisser-faire, neuf ans de promesses non tenues et de fausses menaces, le gouvernement du Québec prouvera-t-il enfin qu'il a vraiment à cœur l’intérêt des enfants? De tous les enfants du Québec? 


Ces dernières semaines, à Montréal, deux nouvelles écoles clandestines ont été débusquées sur les rues Querbes et Beaubien. Lorsqu'il a soutenu avec la langue molle que la situation était inacceptable, le ministre de l'Éducation n'a, hélas!, convaincu personne. 

Le futur premier ministre du Québec, Philippe Couillard, en 2e année.


Allez! Monsieur Couillard. Souvenez-vous de la chance que les pères de la Révolution tranquille vous ont offerte en vous donnant accès à une éducation digne de ce nom. Un enseignement qui vous a permis de vous cultiver, de vous épanouir, d'exploiter votre plein potentiel et, il faut bien le dire, de vous enrichir au passage. Ne serait-il pas temps que vous redonniez au suivant?


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"When I was 18 or so, I remember wondering about: What if I would have been a boy? A day at Belz school from pre-1-a to the end of high school was divided in half. The two parts of the day were “Yiddish” (the first half), and “English,” the second half. I purposely flunked out of Yiddish as I knew there would be no consequences, as there were separate diplomas for English and Yiddish. In August 2004, at the age of 18, I was accepted to Touro College with only my diploma and no transcripts, as Hasidic schools refuse to provide transcripts. But Hasidic boys aren’t as lucky as Hasidic girls. They do not know simple math, such as division or fractions. That is because their day isn’t divided in two. They have only “Yiddish” all day. I remember wondering what I would do if I would have a son and he would be subjected to the torture of learning Yiddish all day."

4 commentaires:

Raymond Masson a dit…

Monsieur Lacerte,

Les articles de votre blogue sont de plus en plus intéressants et je trouve que la mise en pages s'est grandement améliorée. Longue vie à Accommodements Outremont!

Michael Garant a dit…

J'imagine que vous invoquez M Couillard pour rire sachant que pour lui l'intégrisme n'est autre chose qu'un choix personnel que l'on doit respecter...........cela dit, ce n'est pas demain la veille de voir les choses s'améliorer pour ces enfants.

Stéphane Rivard a dit…

L'égalité femme-homme et le droit inaliénable des enfants à une éducation non-confessionnelle était la base de ma participation au projet de Charte de la laïcité et du groupe des Janettes. Ça n'a pas changé d'un iota! Merci Pierre Lacerte de continuer avec autant de brio et de panache ce combat contre l'obscurantisme et cette hypocrisie des pouvoirs à ne pas vouloir aider les victimes de ces sectes ignobles!

Mariclaude Ouimet a dit…

Tolérer et subventionner des écoles hassidiques uniquement pour le vote électoraliste, en sachant pertinnament que ces dernières endoctrinent les enfants afin de les confiner à vie dans une prison, relève d'un anti-sémistisme pur et dur.