vendredi 9 octobre 2015

LA FIN DE LA HAINE


Ce que j’ai toujours apprécié chez Lise Ravary, c’est son sens inné de la mesure. Que voilà une femme éprise de justice naturelle et d’équité. Les yeux bandés et la balance à fléau tenue à bout de bras, je la verrais bien dégommer la Lady Justice qui trône devant l’édifice de la Cour suprême.

Lise Ravary à l'émission Second Regard

Je ne lui reproche pas du tout sa prise de position contre la motion unanime de l’Assemblée nationale sur l’islamophobie. Au contraire. Comme elle et Charb, le regretté directeur de Charlie Hebdo qu’elle cite dans sa chronique du 3 octobre dernier, je trouve que le terme «islamophobie» est tout à fait abusif puisqu’il stigmatise l’ensemble des musulmans au lieu des seuls barbus fanatiques.

Ce qui me fait tiquer, c’est le reste de sa chronique. Ça accroche d’abord lorsqu’elle interprète la dernière enquête de Statistique Canada (2013) sur les crimes haineux.

Ravary affirme que la majorité des crimes haineux continue de viser «les Juifs et les Noirs». C’est sûrement par simple habitude de ranger les noms par ordre alphabétique que l’auteure de Pourquoi moi? Ma vie chez les Juifs hassidiques a placé les juifs devant les noirs.

Le Québec a le dos large, mais quand on se compare, on se console.

Dans les faits, non seulement les noirs et les homosexuels ont été victimes de plus de crimes haineux (respectivement 255 et 186) que les juifs (181), mais on observe que les deux premiers groupes ont essuyé beaucoup plus de violence physique que le troisième groupe. Alors que 66 % des homosexuels victimes de crimes haineux et 34 % des noirs dans le même cas ont été meurtris dans leurs chairs, 18 % des victimes juives ont été malmenées. C’est 18 % de trop, certes, mais un petit peu moins dramatique, tout de même. Entre une quenelle et un coup de poing sur la gueule, je sais ce que je choisirais.

On dira qu’en proportion de leur nombre, les juifs sont davantage visés. Je le concède, mais peut-être faudrait-il aussi considérer que les communautés juives sont beaucoup mieux organisées, leurs membres plus sensibilisés et beaucoup plus encouragés à porter plainte.

On le sait, partout où des organismes œuvrent pour que des gens dénoncent des situations abusives, leur nombre augmente sensiblement. À titre d’exemple, sans cette prise en charge, jamais nous n’aurions vu la courbe des cas d’agressions sexuelles augmenter comme cela s’est produit au cours des dernières décennies. À moins que l’on prétende aujourd’hui qu’il y a une hausse exponentielle des cas d’agressions sexuelles ou d’inceste comparativement à il y a 50 ans?

Dans cette même chronique Lise Ravary ne décèle pas de haine envers les musulmans. Elle est catégorique. «De l’inconfort, de l’ignorance, de l’intolérance, de la peur, sans doute. Mais de la haine? Foutaise.» Elle pose alors une question tout à fait pertinente : «Pourquoi “islamophobie” au lieu de racisme?». La chroniqueuse laisse alors Charb répondre pour elle. «Les militants communautaristes qui essaient d’imposer aux autorités judiciaires et politiques la notion d’“islamophobie” n’ont pas d’autre but que de pousser les victimes de racisme à s’affirmer musulmanes

Ma foi du Bon Dieu, Lise. Si je te suis dans ton raisonnement, tu es en train de nous annoncer la fin de la raison d'être d'Adil Charkaoui et du B'nai B'rith. Fini l’islamophobie. Fini l’antisémitisme. Fini la haine. Il ne nous restera plus que le racisme à combattre. Youe! Houe!