dimanche 26 juin 2016

LES DISCIPLES DE MOÏSE


Vous souvenez-vous de Faigy Mayer? Cette jeune new-yorkaise qui, cinq ans après avoir quitté la secte hassidique, s’est donné la mort en se jetant du haut d'un gratte-ciel. C’était le 20 juillet dernier. 


Je viens d'apprendre que sa sœur Sara s’est, à son tour, enlevé la vie. Dans son cas, elle avait été forcée de marier son cousin germain. Deux histoires d’horreur.



Faigy (à gauche) et Sara au début des années 1990. Elles se sont suicidées à quatre mois d'intervalle, en 2015.


Les cas de suicide chez les anciens hassidim ne sont (hélas!) pas rares. Une étude réalisée en Israël révèle que les anciens ultraorthodoxes sont trois fois plus nombreux à manifester des tendances suicidaires comparativement aux autres segments de la société.

Nos braves ténors hassidiques se font d'ailleurs un malin plaisir à déformer la réalité pour sauver la face. Ils répètent à qui mieux mieux que ceux qui défroquent sont souvent atteints de maladies mentales.


En avril 2012, sur la page Facebook fondée par la conseillère hassidique Mindy Pollak, le lobbyiste Mayer Feig avait eu un bref échange avec Deborah Feldman, une autre hassidim de New York qui avait fui la secte et raconté son histoire dans un livre-choc intitulé Unorthodox: the Scandalous Rejection of My Hasidic Roots.
À l’époque, Feig n’avait eu aucune gêne à prétendre qu’elle avait eu «une vie très troublée depuis l’enfance». 

Un bout de l'escarmouche entre le lobbyiste ultraorthodoxe et l'ex-hassidim, sur la page de Friends of Hutchison Street, en avril 2012
 
En mai 2014, c’est son vieux pote sectaire, Alex Werzberger, qui avait laissé tomber de façon ignoble que Yohanan Lowen, l’ancien hassidique de Boisbriand qui poursuit aujourd’hui le gouvernement Couillard pour déni d’éducation, avait un historique de troubles mentaux.

Toujours en 2014, l’émission The Fifth Estate nous apprenait (aller à 12 min 10 s), qu’avant d’autoriser Adam Brudzwesky à quitter la secte de Sainte-Agathe, les dirigeants des Lev Tahor avaient exigé qu’il signe un document dans lequel il devait reconnaître être atteint d'une grave maladie mentale. Quelle belle méthode pour préserver l’image d’unité et de force inébranlable du système théocratique!

Remarquez que si nous avions été formatés et soumis au même lavage de cerveau, à ce manque cruel d’éducation, à cette claustration schizophrénique et à ce chantage émotif perpétuel, nous aurions bien des chances, nous aussi, de devenir un peu zinzins la calotte. Et c’est sans parler du lot de traumatismes que laissent les agressions physiques, sexuelles et psychologiques caractéristiques à tous les univers conçus pour annihiler tout esprit critique et toute remise en question du dogme imposé. 

D'ailleurs, n'avons-nous pas eu, nous aussi, nos disciples de Moïse? Vous vous rappelez de Moïse Thériault, ce gourou qui avait entraîné les membres de sa secte au mont Éternel, en Gaspésie, pour échapper à  la fin du monde prévue pour février 1979?

Cet illuminé avait pratiqué une circoncision fatale sur un enfant de trois ans, sans parler des boucheries, des agressions sexuelles et des sévices psychologiques pratiqués sur ses ouailles. Je n'ai pas souvenir, cependant, qu'un rescapé de la secte se soit par la suite suicidé. Le fait que ses disciples n'ont été subjugués qu'à partir d'un âge adulte plutôt que depuis leur naissance pourrait-il y être pour quelque chose? Faudrait demander à des spécialistes!

Représentation naïve de Moïse Thériault dépeint entre deux bouleaux
 
Une chose est sûre, c'est que dans la mouvance hassidique, des gens s'activent pour empêcher que trop de sinistrés de l’intégrisme ne commettent l’irréparable. C'est le cas, par exemple, de Henny Kupferstein, une autre femme qui a défroqué d’une secte hassidique de New York.

 Maintenue captive pendant 30 ans dans cette trappe fondamentaliste, Henny a décidé de placer sur YouTube une vidéo sur ce qu’elle a traversé. Elle en profite même pour lancer une pétition en ligne destinée à sensibiliser le monde aux troubles de stress post-traumatiques auxquels doivent faire face les ex-hassidim.


Henny Kupferstein au moment de son mariage forcé, durant sa vie de forçat et après sa libération.

Henny Kupferstein souhaiterait que Bill Gates, le milliardaire philanthrope, finance la mise en place d’un accès gratuit à un réseau Internet Wi-Fi à Brooklyn qui aiderait à contrer l'épidémie de suicides hassidiques.

Pendant que la survivante du goulag intégriste se bat pour que la prochaine génération ait accès à une éducation gratuite et publique un droit fondamental, après tout , que se passe-t-il au Québec?

Le gouvernement Couillard continue de saupoudrer les subventions aux écoles privées illégales. Pire. Il fait des ronds de jambe aux dirigeants hassidiques qui cherchent de toutes leurs forces à garder leurs ouailles captives, à leur rogner les ailes et à les dominer psychologiquement.

Pouvez-vous croire qu'à son tour, le ministre Sébastien Proulx se dit aux anges avec l’idée de laisser les parents veiller à soutenir leurs enfants dans l’apprentissage du français, des mathématiques et des matières profanes? Ces pauvres parents qui n’ont eux-mêmes eu droit qu’à du bourrage de crâne sectaire durant toute leur vie. 

En passant, n'avez-vous pas la fâcheuse impression que ce système d'études à temps perdu est en train de transformer en une magnifique échappatoire à la loi 101? Tous ces parents yiddishophones qui n'ont pas été éduqués en anglais bénéficieront-ils d'un gigantesque accommodement «raisonnable» pour leurs enfants qui se verront directement expédiés du côté de l'école anglaise? Ça ne semble vraiment pas kosher, cette affaire-là. 

Quoi qu'il en soit, plusieurs autres choses étonnent. 

En dépit des inquiétudes soulevées par la protectrice du citoyen à propos des suivis « disparates », voire « inadéquats » des apprentissages à la maison et malgré le fait qu'il ait fallu recourir aux forces policières pour pénétrer dans l’école religieuse, la DPJ s’est contentée de passer une toute petite heure pour évaluer si la sécurité et le développement de 70 enfants sont compromis.

Interviewée par Le Devoir, la directrice de la Protection de la jeunesse, Assunta Gallo, a donné la désagréable impression que la DPJ était pressée de clore le dossier. La veille de la Saint-Jean Baptiste, Mme Gallo envisageait même l’éventualité de remettre le couvercle sur la marmite d’ici la fin du mois, c'est-à-dire dans… une semaine. Ça a l'air d'une méchante évaluation psychosociale, ça, les amis!

Je ne sais pas pour vous, mais moi, le simple fait qu’un directeur d’école clandestine me refusait un accès légitime à des enfants dont j’aurais le mandat de veiller au bien-être me troublerait passablement.

Je serais plus suspicieux encore en réalisant que le directeur de l’école avait éhontément menti aux médias en affirmant qu’il avait toujours collaboré avec la DPJ, ce que cette dernière a formellement démenti.

Ce serait le bouquet si, de surcroît, je savais que ce fameux directeur avait déjà été un fugitif recherché par le FBI, puis déporté vers les États-Unis et condamné à de la prison ferme pour sa participation dans une série de fraudes de plusieurs millions de dollars. Me semble que le lien de confiance commencerait à s’effilocher!

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