vendredi 15 novembre 2013

LES DOGMES DURS


Mardi, nous apprenions que le PLQ préparait un projet de loi contre l'intégrisme religieux. Après avoir prêché dans le désert pendant 20 ans, la patience de la députée de La Pinière, Fatima Houda-Pepin sera-t-elle enfin récompensée? Qui sait si elle ne devra pas un jour remercier le ministre Drainville d’avoir déposé son projet de charte de la laïcité!

Rien n’a encore transpiré de ce que le PLQ mijote, mais j'apprends à l'instant que la députée de confession musulmane rue dans les brancards. Charte, pas charte, tchador, pas tchador, Mme
Houda-Pepin s'apprête à mener une croisade pour s'attaquer à la montée de l'extrémisme islamiste. 

Mais pourquoi donc faudrait-il s’arrêter en si bon chemin et ne se prémunir que contre l’intégrisme musulman? Il y a tant d'autres intégrismes.

J’ai lu avec grand intérêt Pourquoi moi? Ma vie chez les Juifs hassidiques, le récit que m’a autographié mon ex-collègue Lise Ravary, à la librairie Olivieri.



Après les cinq années que Lise a passées au sein de deux communautés hassidiques de Montréal, je ne m’attendais pas à ce qu’une convertie un tantinet polymaniaque puisse faire une analyse et un constat qui rejoigne plusieurs de mes vues sur la question des dogmes durs.

Elle n’hésite pas à dire
(page 199) que «Tous les extrémistes religieux de ce monde se ressemblent : vous ne rêvez pas si tout cela vous rappelle les états islamistes. Remplacez simplement le mot charia par halacha, et on y est presque». Lise Ravary ajoute (page 144) : «La ligne entre l’orthodoxie et le fanatisme est mince». 

Sans le vouloir, elle remballe ceux et celles qui m’opposent systématiquement une fin de non-recevoir (lire ma chronique du 27 octobre 2011) lorsque je réfère à des faits troublants qui se produisent tant à New York qu'à Jérusalem. Ravary écrit (page 111) : «Que ce soit à Jérusalem ou à Bnei Brak…, les hassidim ressemblent en tous points aux hassidim de Montréal, de New York, de Paris, ou de Londres. Ils étudient tous les mêmes textes. Dans des yeshivas toutes identiques.» 

Le regain de l'inégalité hommes/femmes

Il n’y a pas qu’à Mea Shearim, ce haut lieu de l'intégrisme radical de Jérusalem, que la ségrégation des sexes est imposée. Elle s'étend jusque dans les autobus de New York et même à Montréal. Vous essaierez, un jour, de prendre les autobus illégaux de TOV Travel qui font la navette entre Outremont et Brooklyn. Vous nous direz si les hommes et les femmes peuvent s’asseoir où bon leur semble.


Lise Ravary nous apprend que, «même à Jérusalem, ce type de ségrégation n’existait pas il y a 20 ans». Elle ajoute que «bien que les tribunaux interviennent pour faire cesser ces pratiques illégales, c’est toujours à recommencer». Comment s'en étonner. Mus par une foi exaltée, les illuminés de tout acabit sont convaincus que rien sur terre ne peut s'opposer à la volonté divine.
 
5 mai 2013: Couple de Talibans hassidique, sur Durocher (entre Fairmount et St-Viateur)
1 octobre 2013: Talibane hassidique, sur Hutchison
(entre Bernard et Van Horne).
Ici non plus nous n'aurions jamais vu cet accoutrement intégriste, il y a 20 ans.

L’année de la mort de son père, Lise raconte (page192) avoir fréquenté une petite synagogue. «Les hommes se rassemblent en bas autour du rabbin, et les femmes prient à l’étage. Pour qu’elles puissent "entendre" l’office religieux, on a fait un grand trou dans le plafond, entre le premier et le deuxième, qu’on a entouré d’une balustrade. C’est la séparation des sexes la plus radicale que j’ai jamais vue. Impossible d’entendre le rabbin, qui ne faisait aucun effort pour s’adresser aux femmes au deuxième».
 
Ce n’est pas à Jérusalem, mais bien sur la rue Hutchison que les dirigeants intégristes de la synagogue tant controversée ont réussi à faire plier les autorités du Plateau qui ne permettaient pas la transformation de l'apparence de la façade par le percement d'une deuxième porte. Finie! la promiscuité qui forçait hommes et femmes à entrer ou à sortir par la même porte.

Jusqu'à cet automne, voici (à gauche) comment les dirigeants de la secte bobov de la rue Hutchison contournaient le problème de la promiscuité sexuelle. Un drap assurait la ségrégation hommes/femmes.


Ceci dit, l'élection d'une première femme de la communauté hassidique à Outremont est peut-être le début d'une fissure dans l'épaisse carapace de l'orthodoxie machiste de cette secte.

Les mariages mixtes: l'horreur des horreurs

Il n'y a pas que la ségrégation des sexes. Il faudrait aussi s’accommoder de la ségrégation des confessions. Ravary l’écrit noir sur blanc (page 186): «Les ados n’ont pas le droit de regarder les filles, ni de leur parler, surtout si elles ne sont pas juives! Cela pourrait mener à un mariage mixte, l’horreur de l’horreur chez les ultras».

Même au fin fond de la Louisiane, un blanc qui prônerait ce type de clivage se ferait accuser d'être un membre en règle du Ku Klux Klan.

Malgré tout, nous surprenons continuellement nos politiciens en train de faire des salamalecs d’une servilité navrante aux lobbyistes intégristes. On se croirait revenus à l'époque d'avant la Révolution tranquille. L'époque ou Duplessis et l'Église couchaient dans le même lit et se renvoyaient l'encensoir. Pardon... l'ascenseur!

Le lobbyiste hassidique Mayer Feig  avec... 1) le premier ministre Harper 2) Gérald Tremblay (campagne municipale de 2009 3) la mairesse Helen Fotopulos d'Union Montréal  4) Lionel Perez, conseiller d'Union Montréal (2011), aujourd'hui dans l'équipe Coderre 5) Thomas Mulcair, lors de sa victoire de 2011 6) Shama Chopra, candidate conservatrice (campagne électorale 2011) 7) Thomas Mulcair (remise de la médaille du Jubilée de la reine, le 31 janvier 2013) 8) Peter McQueen (campagne de financement de Projet Montréal -novembre 2011) 9) Mindy Pollak (Friends of Hutchison Street) 10) Denis Coderre (Feig était présent à la soirée secrète d'octobre 2013) 11) Philippe Couillard (lancement de sa campagne , le 10 novembre 2013, à Outremont)

Aucun commentaire: