lundi 20 novembre 2017

LA « CHAIRE » DE POULE


Je ne sais pas si vous avez vu la pub que Projet Montréal - Outremont a diffusée à la fin de la campagne électorale. Personnellement, ça a été un peu comme mon chemin de Damas. Je n’ai pas pu faire autrement que de réaliser qu’on avait une méchante carence en mélanine.

Si on se fie à la vidéo Ensemble, nous sommes Outremont, les minorités visibles ne courent pas les rues de l’arrondissement. À l’exception de quelques «racisés» plus ou moins mélangés (comme on tente désormais de les qualifier), plus blanc que ça, on se retrouve au pôle Nord. Valérie Plante, Philipe Tomlinson et leurs neighborhood volunteers peuvent bien faire du White guilt!


Alors que Projet Montréal soutient que nous habitons sur des terres autochtones non cédées, impossible de savoir s’ils ont inclus un amérindien dans cette pub. Par contre, il est flagrant que le nouveau maire Tomlinson et Rani Cruz, sa directrice de campagne, ont fait preuve d’un flagrant manque de sensibilité, voire d’une scandaleuse discrimination.


Les 43 figurants de la vidéo électorale de Projet Montréal - Outremont

Pendant qu’un chien et sa maîtresse (en bas à droite sur la photo ) arborent fièrement un «Nous Sommes Outremont», on ne retrouve pas l’ombre d’une rouflaquette hassidique parmi les 43 figurants (je ne compte pas le beau pitou!). Pourtant les inclusifs n’arrêtent pas de dire que les ultraorthodoxes constituent 25 % de la population d’Outremont.

Philipe Tomlinson, bien entouré des lobbyistes hassidiques Mayer Feig et Max Lieberman. Ils ont su bien encadrer celui qui est devenu le nouveau maire d'Outremont. De véritables experts. Kippa, messieurs!

Projet Montréal aurait-il honte des membres de la secte qui a largement contribué à le faire élire? À moins que les principaux intéressés aient refusé de figurer sur une photo avec des femmes? Si j’étais Mayer Feig ou Max Lieberman, je n’attendrais pas une seconde pour porter plainte à la Commission des droits de l'homme des Nations unies.


Une chose est sûre, c'est que cette vidéo peut bien donner «la chaire (sic) de poule», comme le clame Projet Montréal sur sa page Facebook. Confondre le frisson avec le siège d'un pontife prédicateur est très révélateur du penchant de Tomlinson et cie pour le religieux extrême!

Plus sérieusement et pour vous dire bien franchement, si le nouveau maire d’Outremont nous annonçait à la séance du conseil du 4 décembre prochain, qu’il allait implanter sur le territoire de notre arrondissement une politique d’accueil de nouveaux arrivants d’Haïti, de Syrie, du Venezuela, du Myanmar et de Dieu sait où, je pourrais être d’accord avec ça.

Tomlinson en voudrait-il 3 000 d’ici la fin de son mandat, en 2021? Pas de problème. De la place, on en ferait. En plus du nouveau quartier qui sortira de terre sur l’ancienne gare de triage, avant trop longtemps, les vieux croûtons comme moi se dessécheront dans les CHSLD ou, mieux encore, dans le «trou du bedeau» comme disait feue ma grand-mère. C’est sans compter que Valérie Plante pourrait mettre sur pied un programme de subventions pour le creusage des caves de services sous les nombreux triplex du quartier. Je n’aurais même pas peur que Tomlinson augmente le quota à 4 000!

Certains se demanderont si je suis tombé sur la tête. Pas du tout. Pour bon nombre de citoyens, si les nouveaux arrivants étaient prêts à s’intégrer (je n’ai pas dit s’assimiler!) et à accepter que le français soit la langue commune, ils seraient probablement accueillis avec le sourire.

Le problème n’est pas ethnique. À preuve, Outremont a déjà compté 30 % de juifs et, que je sache, on n’y dénotait pas d’animosité digne de faire la manchette des journaux et des téléjournaux. C’est vrai qu’Abraham ne pouvait pas convoler avec Yvette (quoi que…), mais on ne vivait pas les tensions qui vont sans cesse croissantes depuis les 20 ou 30 dernières années.


Avec la montée en flèche du fondamentalisme religieux, à moins d’être coursier, commis ou jobber, finie, l’époque ou Marcel pouvait travailler dans la même petite boîte que Shlomo. On passe désormais son chemin sur la rue et on ne risque plus de se croiser au café du coin. Les interdits sont partout. Et dès le plus jeune âge.

Si Boucar, An Bình, Étienne et Joyce peuvent marcher à l’école ensemble et jouer à la tague dans la ruelle, ils doivent se contenter de regarder Naftali et Hila monter dans des autobus ségrégués pour se rendre dans des écoles encore plus ghettoïsées où l’enseignement des matières scientifiques (désormais appelées «profanes») est passé au tamis d’un dogme fanatique. Hors des murs isolationnistes des écoles religieuses, nos quatre jeunes
«métissés serrés»* ne pourront qu’observer leurs voisins hassidiques filer sous leur nez en trottinette, car les parents de ces derniers, sermonnés par leurs rabbins tout-puissants, ne veulent (ou ne peuvent!) laisser leur progéniture se frotter aux goys.

Il est là le principal problème que vit Outremont. Ce genre d’apartheid institutionnalisé n’existe chez aucun autre groupe ethnique non fondamentaliste. D’où qu’ils proviennent, les nouveaux arrivants (et ceux qui ont élu domicile ici depuis quelques générations) souhaitent pouvoir faire corps avec les populations locales. Tout ne se fait pas toujours facilement, bien sûr. Oui, il y a du racisme, oui, cela requiert un effort de part et d’autre, oui, il y a des difficultés, mais dans l’ensemble, le temps se charge d’arrimer les liens.

Or, partout où les sectes hassidiques s’enracinent, les mêmes problématiques, les mêmes crispations, le même désir de faire bande à part surgissent. Rappelons-nous les bons mots du rabbin Eliezer Frankfurter, le beau-frère de Michael Rosenberg:
«Ça nous est inconcevable de vivre comme tout le monde. On est obligé d’avoir une certaine attitude qui est : Ok, nous, on ne vous dérange pas, mais, s’il vous plaît, ne nous dérangez pas.... Il vaut mieux rester chacun chez soi.»


Crédit photo: Jackson Krule for The New York Times

Peut-on parler d’un atavisme québécois? Allons donc! Ce qui s’observe à Outremont, Boisbriand, Sainte-Agathe ou Val-David se vérifie partout ailleurs. Que ce soit dans les villes américaines (Monroe, Bloomingburg, East Ramapo, Lakewood, Kiryas Joel [lire l'article du NY Times d'hier], New Square, Williamsburg, Borough Park, etc.) ou israéliennes (Jérusalem, Bnei Brak, Beit Shemesh, etc.), les conflits larvés ou ouverts avec les autorités hassidiques se développent ou font rage. Partout et immanquablement. Ils sont le fait des visées expansionnistes que nourrissent les dirigeants ultraorthodoxes.

Avant longtemps, ce ne seront plus trois ou quatre fidèles à schtreimel qui insisteront pour marcher au milieu de la chaussée le jour du sabbat. Leurs papes de quartiers exigeront que les rues résidentielles soient interdites au trafic automobile entre le coucher du soleil du vendredi et du samedi soir.

Même au niveau immobilier, les différences sont frappantes. Permettez-moi d’utiliser une image.

Jamais vous ne verrez de familles ukrainiennes, haïtiennes, tamoules, brésiliennes, françaises ou italiennes s’en remettre à leurs autorités consulaires ou ecclésiastiques afin que ces dernières acquièrent des biens immobiliers pour y installer leurs ressortissants dans des secteurs qu’elles souhaiteraient investir (dans tous les sens du terme!). Comme vous et moi, tout ce beau monde cherchera son petit nid familial dans un coin qui lui plaira (pour x, y raisons) et pour un prix qu’il considérera comme abordable. Or, au sein de la constellation hassidique, les choses se passent souvent différemment.

Plusieurs d’entre vous l’auront peut-être vécu comme moi. Pas plus tard que ce matin, un certain Shimon Spitzer m’a encore téléphoné à la maison pour m’inciter à lui vendre ma propriété. Je ne lui réponds même plus. Il devrait pourtant savoir que j’ai vendu mon condo voilà plus de deux ans.


Shimon Spitzer, résident d'Outremont, appelle régulièrement chez moi, me disant qu'un ami à lui voudrait acheter ma maison. Son dernier appel date de ce matin.

Des cellules hassidiques (pas des courtiers!) sillonnent constamment nos rues (et le registre d’évaluation foncière) à l’affût de propriétés à acquérir. Pas pour eux-mêmes ou pour leur famille, mais pour des membres quelconque de leurs sectes. Ils sont particulièrement attirés par les résidences ou immeubles appartenant à des personnes âgées qu’ils sollicitent, voire harcèlent en frappant à répétition à leur porte. Vous trouverez même des rabbins se pointer avec près de 1M$ comptant pour acheter un triplex dans lequel ils installent leurs ouailles désargentées. Vous essaierez ça avec votre curé de paroisse pour voir.

C’est sans parler des Léo Kohn, Michael Rosenberg, Max Lieberman, Alexander Schwarcz, et bien d'autres qui ratissent (ou font ratisser) le secteur, tantôt pour le résidentiel, tantôt pour le commercial.

Vous n’êtes pas sûrs que la ghettoïsation augmente à la vitesse grand V? Allez faire un tour sur l’avenue du Parc. On pourrait déjà la rebaptiser Boulevard de la Théocratie. Plus ça va, plus cette artère ressemble à la
14th Avenue de Borough Park, à Brooklyn. Je vous invite à voir ce qu’est devenue cette avenue du ghetto hassidique de New York. Vous me direz si ça vous inspire.

Je l’ai déjà dit dans ce blogue et je le répète. Je ne blâme pas les familles hassidiques qui vivent autour de chez moi. Les pauvres, elles sont totalement sous le joug de leurs leaders religieux. Elles n’ont pas le choix de marcher au pas, au doigt et à l’œil si elles ne veulent pas s’exposer à l’ostracisme du clan. Vous ne me croyez pas? Visionnez la bande-annonce du nouveau documentaire produit par Netflix sur les ultraorthodoxes qui veulent échapper à leur sort. Déjà en 2014, je parlais de certains de ces protagonistes sur mon blogue.


Scène du documentaire One of Us, de Netflix

Je laisse le mot de la fin à Jean-Louis Roy qui, en 2008, nous avertissaient du danger qui guette notre société:


«… il y a une nécessité absolue de condamner, dans la religion ou dans les pratiques extrémistes, tout ce qui est la construction de frontières mentales qui font que des groupes se séparent de la citoyenneté commune.

«... Il n’est pas acceptable que le droit commun ne soit pas respecté sous des prétextes religieux. Il doit y avoir une frontière étanche entre les deux. Il n’est pas possible que l’extrémisme religieux isole des femmes, des enfants et crée des ghettos extraordinaires."... On doit réfléchir au Québec sur les écoles confessionnelles et les écoles des communautés. D’un côté, on a l’impression (et il y a de la vérité dans ça) que l’on respecte la diversité, mais d’un autre côté, on crée des systèmes qui exacerbent l’extrême volonté de ces gens de ne pas appartenir à la communauté commune.

«... Créer des systèmes qui se multiplient selon les groupes religieux, c’est courir après des problèmes très très graves.
»


Qu'ajouter de plus? 

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* Merci à Boucar Diouf pour cette belle expression que je lui vole!

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